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lundi 29 décembre 2025
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2025 à Madagascar – L’année où le réel a repris la parole

lundi 29 décembre |  223 visites  | 1 commentaire 

On aurait pu raconter 2025 comme une suite d’annonces, de promesses et de récits. Mais Madagascar ne se laisse plus raconter. Il se vit. Et ce qui s’est imposé, mois après mois, c’est une évidence simple : un pays n’est pas en crise parce qu’il manque d’idées, il est en crise parce que les mécanismes qui transforment les idées en services publics ne fonctionnent plus.

L’eau, l’électricité, les prix, la sécurité, la justice. Voilà la boussole réelle. Tout le reste est littérature.

Le pays des coupures : quand l’énergie devient le résumé national

L’énergie n’est pas un secteur parmi d’autres. C’est l’infrastructure de tout le reste. Et 2025 a remis ce fait au centre.

Les chiffres rappellent l’ampleur du verrou : accès à l’électricité autour de 33% au niveau national, inférieur à 6% en zone rurale, pertes de réseau supérieures à 30%, production publique devenue minoritaire, dépendance structurelle à des producteurs privés, mix largement dominé par le fioul lourd et le diesel.

Quand l’État doit subventionner massivement son opérateur public, tout le budget devient un budget de survie. Cela écrase l’investissement utile, puis l’emploi, puis la confiance.

Ce que 2025 a rendu visible, c’est le cercle : dépendance énergétique, dépendance budgétaire, dépendance politique.

L’économie fantôme [1] : un pays riche dont la richesse ne reste pas

En mars, l’idée qui a marqué les esprits tient en une phrase : Madagascar produit, exporte, attire des flux, mais l’État et la population ne voient pas la couleur de la valeur créée.

Même en s’en tenant aux chiffres officiels rappelés dans l’article, le paradoxe saute aux yeux : un PIB 2023 autour de 14,6 milliards d’euros, une structure dominée par la consommation, des importations lourdes, des exportations sous évaluées, et surtout une capacité fiscale faible.

Cette faiblesse fiscale n’est pas qu’un problème technique. C’est une question de souveraineté concrète : un État qui ne capte pas la valeur ne peut pas financer l’école, la justice, l’énergie, ni même l’entretien minimal de ses infrastructures.

Le dossier sur l’architecture de la dépendance pousse la logique plus loin : l’informalité massive enferme le pays dans une économie de subsistance où travailler ne protège plus de la pauvreté, et où l’État reste structurellement sous-alimenté.

L’architecture de la dépendance [2] : la souveraineté de façade

Juin 2025 a posé le diagnostic que beaucoup évitent : l’indépendance formelle n’a pas été suivie d’une reconstruction institutionnelle capable d’organiser la protection, l’orientation économique et la redistribution.

Le texte insiste sur un héritage institutionnel lourd et durable, avec un pouvoir exécutif fort et une séparation des pouvoirs peu effective, ce qui a déséquilibré la trajectoire politique sur le long terme.

La radioscopie [3] publiée plus tard dans l’année reformule ce constat de manière très accessible : drapeau, hymne, siège à l’ONU, mais dépendances politiques, économiques, culturelles et sociales encore structurantes.

C’est là que 2025 a été pédagogique. On ne parle plus seulement de corruption, on parle de structure. On ne parle plus seulement de personnes, on parle de systèmes qui reproduisent les mêmes résultats, quel que soit le casting.

L’échiquier mondial [4] : vulnérable, donc négociable

Avril 2025 a introduit une lecture stratégique plus disruptive : Madagascar n’est pas marginal. Il est au croisement de chaînes de valeur mondiales, minerais, textile, services numériques et BPO. Cela crée une vulnérabilité, mais aussi un levier.

L’article propose une relecture de la pression tarifaire comme levier de renégociation, en rappelant le mécanisme d’offshorisation et la capture de valeur hors du territoire.

Schéma – Offshorisation – Apple

Dans un autre registre, l’analyse sur la façon dont on empêche un continent de se tenir debout [5] éclaire la dimension narrative : convaincre un peuple qu’il ne peut pas, puis organiser la dépendance, puis s’étonner qu’il renonce. Le cas malgache est présenté comme emblématique, y compris sur des sujets symboliques comme les îles Éparses [6], absentes du débat public alors qu’elles pèsent géo-stratégiquement.

La leçon 2025 est simple : dans un monde qui redevient transactionnel, un pays n’existe pas par son récit mais par sa capacité à négocier sur des actifs réels et à sécuriser ses intérêts.

La refondation sous contrainte [7] : la promesse ou la preuve

À l’automne, l’idée centrale n’est plus « qu’est-ce qu’il faut faire », mais « comment prouver qu’on le fait ». Le texte sur la refondation à l’épreuve du réel pose un critère de crédibilité très concret : des résultats mesurables, des données ouvertes, des responsables identifiés, une preuve hebdomadaire.

Le PLFI 2026 (Présentation du Projet de Loi de Finances Initiale) approuvé rapidement devient un symbole ambivalent : continuité administrative ou rupture assumée. Et la question se déplace sur les arbitrages budgétaires réels, eau, électricité, chaîne d’arriérés, transparence des contrats, rendement douanier, traçabilité.

Dans la même veine, « Stade 4 [8] » martèle une idée qui parle à tout le monde : la fenêtre spectaculaire se referme toujours, ensuite vient le temps des preuves. Coalition locale eau et électricité, tableau de bord hebdomadaire, contrôle citoyen des achats et des arriérés, gestes simples de crédibilité.

Et la Gen Z est renvoyée à un dilemme stratégique : l’horizontalité mobilise, mais elle limite l’exécution. Il faut une architecture de décision compatible avec l’exigence de résultats.

Punchlines pour nourrir le débat à table

En cette fin d’année, Madagascar arrive au moment des bilans. 2025 aura été présentée comme l’année du changement. Mais une question s’impose, simple et exigeante. Sommes-nous face à une rupture, ou face à une continuité qui a simplement changé de vocabulaire.

La différence ne se lit pas dans les discours. Elle se voit dans les faits. Dans la capacité à faire fonctionner les mécanismes qui transforment une décision en service public. Dans la transparence des chiffres. Dans la manière de gérer l’eau, l’électricité, les prix, la sécurité, la justice. Là se joue la crédibilité. Là se mesure le basculement.

Pour nourrir les discussions de fin d’année, voici une série de phrases courtes, à partager, à contester, à affiner. Pas pour gagner un débat, mais pour l’élever. Pour passer du commentaire à la question juste. Et ramener chaque conversation au seul arbitre qui compte vraiment. Le réel :

  • « À Madagascar, la politique se juge au robinet, pas au micro. »
  • « La refondation ne se proclame pas, elle se mesure. »
  • « Un pays qui ne capte pas sa valeur ne finance jamais sa dignité. »
  • « Le problème n’est pas la pauvreté, c’est l’invisibilité organisée de la richesse. »
  • « Quand l’énergie est en panne, tout le pays devient une économie de survie. »
  • « Ce n’est pas une crise de personnes, c’est une crise de structure. »
  • « Le vrai déficit n’est pas budgétaire, il est de confiance. »
  • « La souveraineté commence là où la donnée devient publique. »
  • « L’État n’a pas besoin d’être parfait. Il a besoin d’être vérifiable. »
  • « On ne négocie pas avec des prières. On négocie avec des actifs et des règles. »
  • « Le monde ne regarde pas nos discours. Il regarde nos contrats. »
  • « La deuxième vague se gagnera sur trois sujets : eau, électricité, achats publics. »

Questions qui font monter le niveau de la discussion

  • Qu’est ce qui doit être public en priorité pour que la confiance revienne : contrats, budget, patrimoine, indicateurs eau et électricité ?
  • Quelle est la première bataille de souveraineté : fiscalité, énergie, justice, éducation, ou contrôle des ressources ?
  • Faut-il d’abord stabiliser l’État ou d’abord casser les mécanismes de spoliation, sachant que les deux se nourrissent ?
  • Quelles seraient les 3 preuves mensuelles minimales qu’un gouvernement devrait publier pour être crédible ?
  • Comment la Génération Z peut-elle rester une force de contrôle sans se dissoudre ni se faire confisquer ?
  • Madagascar doit il se penser comme un pays pauvre à aider, ou comme un actif stratégique à négocier ?

Conclusion : 2025 a fermé l’ère des récits faciles

Cette année a fabriqué une exigence. Les Malgaches ne demandent pas un futur abstrait. Ils demandent une continuité de service, une justice qui agit, une transparence vérifiable, une énergie qui tient. Et derrière ces mots simples, il y a une révolution silencieuse : le passage d’une politique du récit à une politique de la preuve.

Si 2026 doit être l’année d’un tournant, il tiendra dans une phrase que tout le monde comprend : moins de promesses, plus de résultats, et que chacun puisse vérifier.

Bon débat et bonnes fêtes de fin d’année à tous !

Rédaction – Diapason

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Sources et traçabilité

  • Diapason, Comprendre la situation énergétique de Madagascar, dossier février 2025 [9].
  • Diapason, Énergie à Madagascar : le mirage du redressement et la mécanique de la dépendance, juillet 2025 [10].
  • Diapason, Madagascar : l’économie fantôme d’une nation spoliée, mars 2025.
  • Diapason, Madagascar 65 ans après : l’architecture de la dépendance, article et dossier, juin 2025.
  • Diapason, Madagascar, pion vulnérable ou pièce maîtresse sur l’échiquier mondial ?, avril 2025.
  • Diapason, Radioscopie d’un pays fragmenté : entre élites et peuple, septembre 2025.
  • Diapason, La refondation à l’épreuve du réel, octobre 2025 [11].
  • Diapason, Stade 4 : normalisation sans réforme et ses conséquences, octobre 2025.
  • Diapason, Comment empêcher un continent de se tenir debout, juillet 2025.

1 commentaire

Vos commentaires

  • 29 décembre à 11:14 | Vohitra (#7654)

    2026...l’année de tous les dangers accumulés depuis le 26 juin 1960...

    Des sommes explosives de frustrations et de déceptions répétitives, des filouteries institutionnelles perpétrées dans le cadre d’une République avec un système politique centralisé, des décennies de mépris et de vols organisés par des élites politiques peu recommandables et ennemies jurées des finances publiques...

    Il n’est pas superflu de rappeler et de réitérer au moins les trois objectifs spécifiques de la refondation de la République à réaliser impérativement :

    1- les tsy maty manota sont neutralisés, et mis hors d’état de nuire, et que tous les mécanismes et procédures ayant permis l’avènement et l’existence des phénomènes tsy maty manota sont éliminés et réduits à néant.

    2- les élections et autres consultations populaires sont crédibles, transparentes, exemptés de toutes possibilités de manipulations et d’instrumentalisation à des fins partisanes et orientées pour servir des intérêts privés.

    3- les décisions, les prises de décisions, toutes les mesures d’ordre politique, l’ensemble de la gouvernance publique, seront décentralisées et font appel à la contribution et la responsabilisation totale des collectivités décentralisées, et que l’autonomie décisionnelle de ces dernières sont inaliénables et inattaquables.

    Au moins ces trois objectifs devraient être réalisés, effectifs et vécus par la Nation sur l’étendue du territoire de la République à l’issue de la réalisation du processus de refondation de la République...

    Autrement, le danger pour la Nation et la Republique risque de de se produire.

    La refondation est incontournable, inevitable et ne pourra plus être reportée ni ignorée...

    L’année 2026, année de tous les dangers...

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