
Le Guichet Unique d’Exportation, structure mise en place l’année dernière par le décret 2024-1345, était censé encadrer et légaliser les ventes et l’exportation de l’or. Selon les données du ministère des mines, ont transité via ce guichet unique en dix mois …. Douze kilos de métal jaune !!! Non … On ne rêve pas. DOUZE KILOS !!! … Quand on sait qu’on peut, au bas mot, estimer qu’une tonne de ce précieux métal quitte clandestinement le pays chaque mois… Douze kilos face à douze tonnes … Au cours actuel, soit 100$ le gramme … Douze kilos c’est donc un million deux cent mille dollars de valeurs déclarées (1 200 000 $) contre un milliard deux cent millions de dollars (1 200 000 000 $) de valeurs volatilisées si on avait passé nos douze tonnes … C’est donc un milliard cent quatre-vingt-dix-huit millions huit cent mille dollars (1 198 800 000 $) qui n’a pas été taxé …
Bon… Certains esprits chagrins diront que mon estimation de douze tonnes d’or détournées par an est surévaluée … il ne s’agirait QUE… de sept tonnes !!! … AU FOU !!!!
Eh bien ! Il ne faut pas aller chercher loin les moyens de financer les déficits budgétaires de l’Etat malgache. Il suffit d’aller vider les poches de tous ces pourris de la filière or … et de mettre un grand coup de pied dans cette fourmilière aurifère… Et on aura de quoi construire des routes, des centres médicaux, des centres de formation, des établissements d’enseignement supérieur et de soutenir l’investissement … Tiens, on pourrait même monter un Fonds de l’Or Gasy sur l’or et sur les avoirs récupérés pour soutenir le Fonds Souverain Malagasy qui a tant de mal à démarrer.
12 kilos !!! Ce chiffre dérisoire est peut-être le pire reflet de l’état de délitement du pays et caractérise un niveau de corruption terrifiant. Et pendant ce temps certains vont se gargariser de « réformes ambitieuses », de « modernisation institutionnelle et modernisation du cadre légal », de « renforcement des institutions » et de « progression de la transparence » … alors que les vrais véritables maîtres de l’or continuent tranquillement leur business mortifère …et que 38 nationaux malgaches propriétaires immobiliers à Dubaï se marrent doucement en regardant le soleil se coucher sur le Burj Khalifa.
Décryptage d’un système maffieux qui saigne le pays à blanc depuis des décennies.
L’exploitation illicite de l’or n’est pas le fruit d’activités « artisanales » désorganisées. Il s’agit bien d’un système structuré, protégé au plus haut niveau où des acteurs des forces de l’ordre, de la magistrature et des opérateurs économiques liés au pouvoir politique seraient identifiés comme sponsors et bénéficiaires de ce trafic.
Leurs réseaux s’appuient sur une main-d’œuvre exploitée, des vides juridiques délibérément entretenus et une corruption généralisée des forces de l’ordre et de l’administration pour acheminer l’or vers les marchés internationaux, principalement Dubaï, où les profits sont blanchis dans l’immobilier de luxe.
En théorie, la filière or à Madagascar est encadrée par un ensemble de lois et de régulations visant à assurer la traçabilité, la taxation et le contrôle de la production. Le Code minier prévoit plusieurs types de permis et des autorisations d’orpaillage. La chaîne de valeur officielle devrait se décomposer théoriquement en niveaux comme suit :
- Niveau Administratif : Obtention des permis et autorisations nécessaires
- Niveau Exploitation : Extraction de l’or dans les périmètres autorisés (carrés miniers ou couloirs d’orpaillage).
- Niveau Transport : Acheminement de l’or avec un laissez-passer et un récépissé de paiement d’une redevance
- Niveau Commercialisation : Vente de l’or à des collecteurs agréés, qui le revendent ensuite à des comptoirs officiels.
- Niveau Transformation : Fonte et poinçonnage de l’or par des comptoirs agréés.
- Niveau Exportation : Vente à l’international par des exportateurs agréés, après contrôle de conformité au guichet unique.
Cette organisation officielle est évidemment largement contournée. Et chaque niveau, depuis l’octroi des autorisations, jusqu’à l’exportation en passant par l’extraction, le transport, la transformation ou la commercialisation va donner opportunité à toute une palanquée d’acteurs et d’intermédiaires de se sucrer largement de la manière la plus opaque et la plus illégale au passage… Sur le dos des ouvriers et des petits producteurs évidemment surexploités… Et sur le dos de l’Etat … Donc des malgaches…
Il faut savoir que l’essentiel de l’or exporté illégalement ne provient pas des couloirs d’orpaillage officiels. Ces images où l’on voit des orpailleurs, hommes, femmes et enfants confondus, pataugeant dans l’eau, travailler à la bâtée pour essayer de séparer du sable quelques grains d’or ne reflètent plus la réalité de la production de l’or.
C’est au sein d’exploitations souterraines, souvent illégales, mortellement dangereuses appelées « fatana » que des travailleurs exploités, payés 2 à 4 $ par jour, creusent des puits de 30 à 50 mètres de profondeur pour atteindre les filons en roche mère. Ces exploitations semblent échapper à toute forme de taxation ou de contrôle étatique. Et c’est au sein de ce système informel que les mécanismes de corruption et de détournement s’enracinent.
Les 486 fatana actifs de Betsiaka dans la région Diana et les 125 de Dabolava dans le Menabe ont été financés par des sponsors, hauts gradés des forces de l’ordre, responsables de tribunaux, opérateurs économiques liés au pouvoir… les uns protégeant les autres en contrepartie d’une part de la production et institutionnalisant ainsi l’accaparement des sites les plus riches.
Le coût réel d’un fatana ? 30 millions d’ariary (7 500 USD) d’investissement initial pour les équipements : groupe électrogène, motopompe, matériel de creusage. Puis 12 millions d’ariary (3 000 USD) de fonctionnement mensuel pour les rations des 5 à 10 ouvriers qui descendent dans ces puits de la mort de 30 à 50 mètres de profondeur.
Le résultat ? De 100 grammes à 1 kilo d’or par mois et par fatana. Multipliez par 611 fatana actifs, vous obtenez une production mensuelle théorique de 60 à 600 kilos. Sur l’année, on parle ainsi de 700 kilos à 7 tonnes. Peut-être plus… Au bénéfice de qui ? Certainement pas au profit des orpailleurs/mineurs qui gagnent 10 000 à 20 000 ariary par jour en risquant leur vie dans des galeries qui s’effondrent régulièrement.
Les acteurs des services techniques concernés et des collectivités territoriales décentralisées sont évidemment impliqués dans ces systèmes de sous-déclarations systématiques. Transports sans laissez-passer ni récépissé de redevance ? Pas de problème… Moyennant finances bien sûr..
Le Blanchiment : Dubaï, paradis des prédateurs malgaches
Une fois l’or arrivé dans les souks de Dubaï, là où les questions sur sa provenance sont probablement aussi rares que la pluie dans leurs déserts, les profits seront méthodiquement blanchis dans l’immobilier de luxe. Les 38 Malgaches propriétaires immobiliers identifiés par l’Observatoire européen de la fiscalité ne représentent probablement qu’une fraction de la réalité. Ces données, basées sur les « Dubai Unlocked » de l’OCCCRP (1) , sont probablement sous-estimées, car les nouvelles acquisitions utilisent des montages de plus en plus sophistiqués.
Chaque année, ce sont des centaines de millions de $ qui sont ainsi blanchis via l’axe Afrique du Sud-Dubaï, privant Madagascar de ressources cruciales pour l’éducation, la santé et les infrastructures… Mais bon ce n’est pas grave… On peut continuer à laisser les maffieux s’enrichir…. On ira mendier des sous auprès des bailleurs qui apprécieront certainement que le pays s’endette pour financer des villas de luxe dans des paradis fiscaux …
L’Échec Programmé des « Réformes » : Pourquoi ça ne marche pas ?
Créer de nouvelles institutions ou de nouvelles lois sans démanteler au préalable les réseaux qui les contrôlent, c’est repeindre une maison qui brûle. Les malgaches sont toujours aussi brillants quand il s’agit de s’affirmer en nouveaux « mpanera », intermédiaires spécialisés « facilitateurs de conformité » qui savent naviguer dans le cadre réglementaire et proposer aux réseaux criminels des services de mise en conformité apparente… Moyennant commissions substantielles…La règlementation ne résout jamais rien : comment lutter efficacement contre un système quand ses principaux bénéficiaires siègent dans les plus hautes sphères du pouvoir ?
Un trafic mortifère : l’urgence absolue d’agir
Ce pillage organisé n’est pas qu’une question économique ou technique. C’est un cancer qui ronge les fondements mêmes de l’État malgache et enferme le pays dans cette spirale de la pauvreté. Chaque tonne d’or qui part en contrebande, ce sont des écoles qui ne se construisent pas, des hôpitaux qui manquent d’équipements vitaux et de médicaments, des routes qui restent impraticables condamnant des millions de Malgaches à l’isolement.
L’impact social est, lui aussi, dramatique : 200 000 orpailleurs maintenus dans des conditions de travail dignes du 19e siècle, des familles entières dépendantes d’un système qui les exploite sans vergogne, des communautés locales privées des retombées légitimes de leurs richesses naturelles. Ces hommes et femmes qui risquent leur vie quotidiennement dans les « fatana » ne touchent que d’infimes miettes d’un gâteau qu’ils confectionnent de leur sang.
L’impact institutionnel est dévastateur : corruption généralisée des forces de l’ordre transformées en milices privées, capture des institutions de contrôle par les réseaux criminels, érosion totale de la confiance des citoyens envers un État qui les trahit. Quand les garants de l’ordre public deviennent les complices du désordre organisé, c’est tout l’édifice démocratique qui s’effondre.
L’impact géopolitique est inquiétant : Madagascar devient un maillon faible dans la lutte internationale contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Interpol a alerté sur le fait que l’extraction illégale d’or en Afrique peut servir de source de financement pour des groupes terroristes. Les produits de l’or malgache pourraient indirectement contribuer à l’instabilité régionale et mondiale.
L’impact sociétal est, lui, profondément inquiétant : comment rééduquer les gens à la transparence et à la défense du bien commun quand, face à la pauvreté ou la misère, ce phénomène collusif fait vivre des milliers de personnes, donc des milliers de familles ?
Et encore, s’il ne s’agissait que de l’or …
Et ce scandaleux désastre corruptif s’étend de manière strictement identique aux domaines des pierres précieuses et du bois de rose … Il ne faut pas les oublier ceux-là, avec leurs mafias nationales, asiatiques ou émiratis elles aussi identifiées… Il en est d’autres encore. Mais le trafic aurifère est particulièrement structurant en termes de déviance de gouvernance.
On estime, que dues à ces effrayants phénomènes de corruption sur ces seuls trois domaines cités, les pertes fiscales totales seraient de 695 millions d’euros par an répartis en 360 millions sur le volet de l’or, 206 millions sur le volet bois de rose et 129 millions sur le domaine pierres précieuses.
Conclusion : Que Faire ? Quelques exigences pour que sonne l’heure de vérité
Se réfugier sur le seul domaine des richesses minières en termes de développement n’est toutefois pas une panacée. On sait ce que sont la « malédiction des ressources » ou le « piège de la rente » qui voient des pays riches en ressources finir par stagner faute d’indépendance de leur économie face aux énormes mannes financières générées. Mais certaines nations ont toutefois réussi leur mutation. Le Botswana en est l’illustration qui a su utiliser ses ressources diamantifères pour assurer un développement réussi au bénéfice de sa population. Allez … Si j’étais président, je nationaliserais toutes ces filières … Et je promulguerais une loi pour instaurer en crimes économiques passibles de Cour d’Assises les actes de spoliation des Biens Communs.
Trêve de plaisanterie, ici il faut avoir la lucidité et le courage politique de s’attaquer aux vrais responsables au plus haut niveau en appliquant des sanctions exemplaires … Assurer un gel immédiat des avoirs, faire mener des poursuites judiciaires sans complaisance par une Task Force interministérielle dédiée, avec des magistrats et policiers spécialement formés et protégés. Sans cela, toute réforme restera cosmétique.
Madagascar est encore là, encore une fois, à un tournant historique. On peut continuer à se jouer cette comédie pathétique des « réformes » qui ne changent rien au fond tout en permettant aux prédateurs de s’enrichir tranquillement… On peut sinon avoir enfin le courage collectif de nous attaquer aux vrais problèmes avec la détermination qu’exige l’urgence de la situation.
L’or de Madagascar aurait pu être une bénédiction. C’est aujourd’hui clairement une malédiction qui transforme une richesse nationale en caisse noire personnelle pour une élite sans scrupules et détruit nos fondamentaux sociétaux.
Mais il n’est pas trop tard pour inverser la tendance. À condition d’avoir la volonté politique de s’attaquer frontalement aux intérêts particuliers qui saignent le pays à blanc depuis des décennies.
L’histoire peut juger impitoyablement nos dirigeants sur leur capacité à faire le bon choix. Quant à nous, citoyens, nous pouvons les juger aux urnes.
La vraie question n’est ni technique ni réglementaire. Elle est éminemment et évidemment politique : pouvons-nous mettre en place des dirigeants assez courageux pour nous attaquer à ceux qui auraient pu facilement être leurs propres complices ? Ou bien devrons-nous nous contenter de la soupe habituelle des « réformes ambitieuses » qui se mordent la queue faute de volonté, de priorités et de moyens réels d’exécution … alors que le pays se vide de sa substance ? Au lieu d’aller harceler (racketter ?) à coups de redressements fiscaux mesquins les entrepreneurs, on ferait mieux d’aller chercher l’argent là où il est vraiment.
Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule) – septembre 2025
Les Chroniques de Ragidro
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Vos commentaires
Quelle belle production monsieur.
Cela fait froid au dos des 90 % de la population malgache de ce pays en dérive.
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C’est qui est grave ce cette IMPUNITÉ totale de ces grands voyous criminels, qui gouvernent ce pays depuis l’indépendance mais particulièrement depuis ce coup d’état désastreux d’un fransé prénommé RatZoel ! Lui et sa bande de voleurs s’en fichent littéralement de ce que les gens pensent sur eux ! Grands manipulateurs, qu’ils soient à l’instar d’une comédienne Isandra arrivent même pousser de l’admiration auprès de très nombreux pauvres, visiblement victimes d’un syndrome de Stockholm !
L’Editorialiste a dit tout haut ce que tout le Monde pense tout bas .
Mais pour « exfiltrer » les fossoyeurs de La République des organes de décision , il faut un « Task Force » à la hauteur de nos ambitions .
Sommes nous prêts à franchir le pas ?
Apparemment non , car même l’Opposition n’arrive pas à unir leurs forces , pour un avenir meilleur ...
Merchi Prezda !
Merci Lalatiana, chapeau !
Un article traduisant la réalité, clair et sans ambiguïté, disons la vérité essentielle tant dissimulée depuis longtemps...
Et les coupables et acteurs mafieux ne sont plus à identifier, tout au moins depuis 2018 !
Effectivement, créer de nouvelles institutions ou élaborer de nouvelles lois sur la filière ne servent plus à rien, à rien du tout face à la situation qui fait déjà vaciller l’État au point de laisser l’autorité républicaine aux mains et volontés de bandits organisés !
Le plus urgent, c’est de mettre hors d’état de nuire les coupables et acteurs identifiés.
La question instantanée, c’est comment s’y faire !
On est conscient que ce sont la grande majorite des détenteurs de pouvoir régalien de l’État qui y sont impliqués.
Il ne faudra plus tourner longtemps autour du pot maintenant.
Comment agir pour sauver l’État et préserver la Nation ?
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Merci Pitchboule
Pour ce reportage très fouillé.
Tout le monde le sait
Chacun le sent
Rien qu’avec NOTRE OR
– un GOUVERNEMENT RÉPUBLICAIN NORMAL ET NON CORROMPU PEUT DÉVELOPPER sans problème notre pays :
– créer des LIGNES DE CHEMINS DE FER d’est en ouest et SURTOUT DU NORD AU SUD
Les fozas priorisent naturellement la route pour favoriser les intérêts du FRANCAFRICAIN COLAS
– créer des raffineries comme le Mexique
– pour l’eau et l’électricité les possibilités sont multiples
* éolienne
* énergie solaire
* usine de dessalement d’eau de mer à énergie solaire
* bassins de retention
* aqueduc ou pipeline
* investir en mase dans L’ÉDUCATION NATIONALE.
RIEN N’EST POSSIBLE TANT QUE LE PEUPLE NE DEGAGE PAS CE GOUVERNEMENT MAFIEUX ET CORROMPU
ET LA FRANCE AVEC ! qui a instaure cette mafia francafricaine depuis 1960
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Bjr C’est pour enfumer le peuple que vous incriminez surtout Colas et la France en vous trompant sciemment de cible ? Toujours la faute aux autres ?