(MFI) Stupeur sur le marché du bois tropical : le Gabon interdit l’exportation de grumes, c’est-à-dire du bois non transformé, à partir du 1er janvier 2010.
Au premier abord, tout le monde approuve la décision du nouveau président du Gabon, Ali Bongo. Parce qu’elle est dans l’air du temps. « C’est un peu la juste réappropriation des richesses du pays », avance prudemment un industriel européen. Transformer sur place donnera du travail et des revenus supplémentaires aux Gabonais.
Ensuite, commentent les exploitants européens concernés, cette décision est dans la logique du code forestier. Il prévoyait que 75 % du bois coupé soit transformé sur place à partir de 2012. Plusieurs sociétés européennes s’enorgueillissent d’ailleurs d’avoir déjà atteint ce quota. Mais elles demandent néanmoins du temps, voire des aides, pour parvenir au nouvel objectif fixé.
D’abord parce que les moyens existants ne permettent pas de l’appliquer du jour au lendemain : 60 % du bois est actuellement exporté après transformation. Pour passer à 100 %, il faut doubler les capacités industrielles, prévoir un meilleur approvisionnement en énergie, revoir le transport et former du personnel. Un changement de modèle qui ne se fera pas en un mois, mais qui prendra un à deux ans.
Qui va payer les usines ?
Deuxième remarque faite en sourdine : l’exportation des grumes permet de financer les investissements industriels. Si cette source disparaît du jour au lendemain, qui va payer les usines ? En clair, l’application immédiate de cette décision pourrait être préjudiciable à la filière. Elle risque d’entraîner dans un premier temps une baisse des revenus générés par l’exportation des grumes et la disparition momentanée des emplois liés à cette activité.
Le contexte économique, enfin, se prête mal à ce changement de modèle. Le commerce du bois souffre depuis le début de la crise et il n’est pas sorti du tunnel. Les Européens, les premiers clients du bois du Gabon transformé, sous forme de contreplaqué par exemple, n’achètent plus grand chose. La seule demande qui résiste, c’est la demande des pays asiatiques pour le bois brut : 80 % des grumes exportés par le Gabon sont destinés à la Chine. Mais inversement, le Gabon ne fournit que 4 % des grumes importés par la Chine. Pékin pourrait donc lui préférer un autre fournisseur plutôt que d’investir dans un outil industriel.
Dominique Baillard