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Editorial

Flambeurs

mercredi 21 juillet 2010 | Patrick A. |  1790 visites  | 10 commentaires 

Dans une allumette, il y a du soufre et beaucoup de bois. On pourrait reprendre la même image pour le bois de rose.

Les questions d’argent et de politique semblent davantage intéresser le grand public que les sujets relatifs à l’environnement, et le bois de rose fait par conséquent ces derniers mois les « Unes » médiatiques sur un mode plus sensationnaliste que scientifique. L’espèce bolabola en vient à éclipser à tort d’autres espèces précieuses apparentées, comme le palissandre ou le bois d’ébène, qui sont pourtant confrontées aux mêmes problématiques. Et si les constats sont généralement accablants, les propositions de solution sont plus rares.

Madagascar-Tribune.com avait essayé d’attirer l’attention il y a une vingtaine de jours sur le journal de Madagascar Conservation & Development. Mission réussie sur ce point là puisque certaines des annexes du dernier numéro (et plus précisément le texte de l’étude de Hery Randriamalala et Zhou Liu) commencent à faire parler d’elles.

On abordera cependant les chiffres avancés avec une certaine prudence, car les auteurs reconnaissent qu’ils sont calculés sur la base de certaines hypothèses, et quelques recoupements que nous avons pu faire nous amènent à penser qu’il ne faut pas toujours confondre mathématiques et réalité. Il reste que l’une des conclusions les plus troublantes de cette étude est que, même si la marge bénéficiaire des exportateurs serait de l’ordre de 75%, l’État demeurerait le premier bénéficiaire des exportations de bois de rose de 2009 avec la perception de 15 à 20 millions de dollars de taxes.

Alcool, tabac, armes à feu : les États du monde entier ont tendance à la schizophrénie [1] à force de collecter des taxes sur les produits dangereux. Obliger les fabricants à apposer sur les paquets de cigarettes un avertissement plus ou moins explicite sur les risques sanitaires ne pourrait cependant complètement dédouaner la puissance publique du fait de profiter très concrètement des volutes de fumée cancérigène.

En matière d’alcool, le dicton affirme « lorsque le vin est tiré, il faut le boire ». En matière de bois de rose, la question serait plutôt, lorsque les arbres sont abattus, que faut-il en faire ? Confiscation, taxation, mise aux enchères ?

La solution la plus efficace d’un point de vue strictement écologique serait de réduire les arbres déjà abattus en copeaux et d’épandre ensuite ceux-ci dans les forêts afin de les fertiliser... Doutons cependant qu’un gouvernement ait jamais le courage politique d’adopter une telle attitude, et mettons au défi quelque hypothétique bailleur de fonds de mettre en place des compensations financières à la hauteur des impacts qu’aurait une telle attitude sur les recettes fiscales et sur la balance commerciale...

Évolutions de la réglementation forestière de 1974 à 2009, dates des élections et cyclones.

Avant d’en arriver à cet utopique idéal, l’on se « contentera » donc de souhaiter qu’une véritable Loi mette fin à cette jungle de textes confus et contradictoire qui permet aux trafiquants d’être trop souvent relaxés au bénéfice du doute... Et comme l’on est enclin à penser que cette profusion/confusion de textes est plutôt volontaire, l’on espèrera que la future Loi restreindra strictement le champ du domaine réglementaire et prévoira des sanctions pénales lourdes pour les auteurs de décrets, arrêtés et circulaires contenant des dispositions contraires à ce qui sera prévu par la Loi.

Par ailleurs, comme l’on aura remarqué que la plupart des opérateurs contrevenants sont des entrepreneurs ayant également d’autres activités, l’on suggèrera que la loi réserve le commerce de certains bois à des sociétés n’ayant que cette activité comme objet social, ce qui permettrait de surveiller beaucoup plus efficacement comptabilités et flux financiers.

Notes

[1troubles de la personnalité qu’on a fréquemment tendance à qualifier schématiquement de dédoublements de la personnalité, et qui relèvent plutôt de la perte de contact avec la réalité.

10 commentaires

Vos commentaires

  • 21 juillet 2010 à 08:13 | Stomato (#3476)

    La principale région d’ou sont extraits ces fameux bois de rose a, au cours des ans, perdu pratiquement toutes ses « cultures de rente ».
    Il n’est pas utile de citer les raisons de ces pertes, mais il serait bon d’avoir le courage d’en tirer des leçons, ce qui est hors de propos ici.
    Cette région, la SAVA, toujours difficile d’accès fait ce qu’elle peut pour survivre, enfin les 95,48 % de la population qui tentent de vivre honnetement.
    Quand on a faim, on fait feu de tout bois, le dicton est cruellement mal placé ici !

    J’ai connu une ville de la SAVA il y a une quarantaine d’années. J’ai pu voir 30 ans plus tard des maisons dont le socle en dur était décaissé de 20 à 30 cm, ce qui signifie qu’en 30 ans 20 à 30 cm de terre a été entrainée à la mer.
    Aucune loi ne force les gens a entretenir la terre Malagasy.

    Alors pourquoi espérer voir respectée une loi qui protège les arbres ?
    N’y a-t-il pas plus important dans la perception moyenne des gens, que la protection des arbres ? N’est-il pas plus important d’avoir de quoi se nourir tous les jours ?
    Qu’importe le trou dans la couche d’ozone quand les enfants n’ont pas a manger chantait un transfuge il y a quelques années déjà !

    • 21 juillet 2010 à 09:23 | racynt (#1557) répond à Stomato

      Stomato, il ne s’agit pas seulement de trou dans la couche d’ozone mais de l’avenir de nos générations futures. C’est vrai qu’il est important de résoudre les problèmes alimentaires mais il faut aussi penser à long terme en essayant autant que possible d’anticiper certain problème. Car si comme vous l’insinuer il faut couper les arbres pour pouvoir procurer de l’alimentation pour les hommes, ces arbres ne sont pas infinis et on court à la désertification de la région qui accentuera encore plus les problèmes humanitaires.

    • 21 juillet 2010 à 11:14 | Imbotisoa (#2972) répond à Stomato

      Ce qui intéresse les gens c’est l’argent ils s’en tapent su ce sujet environnement, et le bois de rose fait partie des ressources financières dans ces 2 régions (SAVA et Analanjirôfo) donc elles doivent tirer profit de ces ressources sinon elles sont les grandes perdantes parce que leur environnement ne cesse de se dégrader et en plus elles ne gagnent rien de ces ressources. En somme, la possibilité de chacun de se prendre en charge par lui-même et pour lui-même dans ses propres environnements. Une forme d’administration où les décisions ne seront pas dictées à partir d’un seul pôle et par les mêmes personnes. Le Fédéralisme ou l’Autonomie de province en est un cadre idéal. Les différents régimes qui se sont succédés n’ont jamais apporté cela. L’administration centralisée n’a causé que des frustrations et des contestations à l’origine de graves crises et paralysies du pays, même si ça ne se passe que dans la seule ville de la capitale.

    • 21 juillet 2010 à 11:21 | Stomato (#3476) répond à racynt

      Je n’insinue absolument pas qu’il faut couper des arbres pour alimenter les hommes.
      Bien au contraire, je porte témoignage des dégats visibles de la déforestation et du défaut d’entretien des sols malagasy.

      Autre dégats visbles, mais en avion, quand on survole Majunga en partant vers l’Europe, on peut deviner à la couleur de l’eau de la mer jusqu’ou les coraux sont recouverts d’alluvions apportées par la Betsiboka, alluvions venant principalement de l’érosion due à la déforestation et aux feux de brousse.

      En parlant de la couche d’ozone, je faisais allusion à une chanson de Rossy, chanson qui date des années 1990 !
      Ce qu’il dit a toujours cours dans l’inconscient collectif malagasy.

      Et « l’arsenal » des lois de protection de la nature servent peut-être davantage à racketter les touristes en partance, que les trafiquants de diverses epèces animales ou végétales ou minérales.

      Qui aujourd’hui, à Madagascar, explique aux gens que s’il y a de la pluie c’est uniquement parce qu’il y a de la forêt ?

  • 21 juillet 2010 à 08:37 | da fily (#2745)

    Bien, je m’ebahirai toujours de la confondante naîveté des optimistes obstinés, qui croient fermement au retour de la bonté naturelle de l’homme après qu’il ait lui-même exploré sa noirceur. Je vous salue messieurs, mais je n’y crois goutte !

  • 21 juillet 2010 à 09:51 | Rainivoanjo (#1030)

    Ce ne sont pas les arsenaux juridiques qui manquent à Madagascar pour arrêter tous ces trafics illégaux.Quand toutes les institutions sont pourries jusqu’à l’os, quand beaucoup d’élus -ou pas- locaux sont impliqués dans ces trafics, il est impossible d’y mettre fin sans une volonté supérieure, ce qui apparemment n’est pas le cas.On peut même se demander si Madagascar n’est pas au niveau de la République Démocratique du Congo en ce qui concerne le pourrissement de la situation politique, économique et sociale.

  • 21 juillet 2010 à 10:06 | Parole (#2602)

    Si vous lisez attentivement l’étude de Randriamalala et Zhou Liu, vous comprendrez que l’enjeu va bien au-delà de la survie de la région SAVA. Derrière le trafic de bois de rose se cache la construction systématique de la criminalisation de la vie politique, phénomène connu ailleurs en Afrique et fort bien analysé par Paul Collier (« The bottom billion : why the poorest countries are failing and what can be done about it »). Dans ce livre, Collier analyse la situation du milliard d’êtres humains (« le milliard d’en bas ») tombé sous la coupe de politiciens véreux qui maquillent le pillage de leurs pays en opération de survie des populations locales.

    Ne tombons pas dans ce piège qui consiste à laisser tous les trafics s’installer sous prétexte que « ça fait vivre les pauvres gens ». Cet argument, inventé autrefois par la mafia sicilienne qui disait travailler pour le peuple, continue de servir/sévir...

  • 21 juillet 2010 à 12:33 | râleur (#3702)

    Vous avez raison Patrick.

    Les bailleurs de fonds, si prompt à critiquer ou à donner (aussi) pourrait faire le raisonnement suivant :

     exiger une loi qui interdit la coupe et l’exportation de bois brut, mais uniquement travaillé

    En échange, les bailleurs donnent 20 millions de $ par an, apporté au budget général ou directement sur un fonds de conservation de la forêt, dont les mesures d’accompagnement dans les zones concernées.

    Au niveau du Gouvernement de notre pays, le raisonnement serait de se dire : on sacrifie les générations futures pour 20m$/an ? Donc on sacrifie le futur de nos enfants et petitis enfants pour 1$/an/personne ?

    Dans tous les cas, la Chine devrait y voir aussi à 2 fois, avant d’accepter d’être le destinataire de produits qui ne peuvent qu’engendrer des malheurs et des massacres plus tard

    • 21 juillet 2010 à 18:08 | Stomato (#3476) répond à râleur

      Cher Râleur,
      Comment réagiriez vous si les bailleurs de fonds avaient le culot d’exiger une loi ?
      Vous crieriez au sacndale de l’ingérence dans les affaires intérieures d’un pays souverain, non ?

    • 22 juillet 2010 à 04:56 | citoyendumonde (#4292) répond à râleur

      Râleur,

      Il y a deux cas de déforestation dans notre pays :
       les gens coupent les arbres pour faire du charbon de bois. Ce phénomène avait pris de l’ampleur en 1991 suite a la crise
       et ce qui se passe actuellement : les trafiquants détruisent nos forets pour faire du fric rapidement. Au Sierra Leone comme au Congo, le trafic du diamant était bien développé pendant la guerre, chez nous, c’est le bois de rose bien qu’il ne vaille pas grand chose sur le marche international.
      Vous pouvez donc écrire des lois, faire des déclarations etc... mais personne ne va les respecter tant que l’État de Droit n’existe pas comme c’est le cas actuellement.