
Lucile Rabearimanana, professeur à l’ faculté des lettres, donne son avis sur la récente réforme de l’éducation entreprise par l’Etat.
• Madagascar Tribune : Comment jugez-vous la réforme de l’éducation ?
– Lucille Rabearimanana : « La forme actuelle de la réforme de l’éducation à Madagascar est une réintroduction de la « malgachisation » qui ne dit peut être pas son nom mais qui dans sa signification concerne à la fois l’enseignement et la politique ».
• Que pensez vous de cette « malgachisation » ?
– « Oui, mais … ».
• Oui, pourquoi ?
– « Par principe, une malgachisation met en exergue l’importance de la langue malgache. Pas seulement en tant que langue mais c’est aussi une valorisation et une diffusion de la culture malgache. Et en tant que tel, je ne peux être que pour une malgachisation de l’enseignement qui mettra en valeur l’identité malgache ».
• Et le mais ?
– « Une malgachisation doit être préparée, cela doit être une décision prise en concertation avec les différentes entités concernées par l’éducation. Cela veut dire qu’il ne faut pas seulement se contenter des organismes d’Etat mais aussi consulter les institutions privées confessionnelles et non confessionnelles ainsi que l’opinion publique. La malgachisation est tellement importante et doit nécessiter toutes sortes de mesures d’accompagnement. D’abord il faut du temps, il faut prendre le temps de définir ce que l’on entend par « malgachisation » et se poser la question suivante : « Est-ce que la malgachisation consiste à adopter comme langue d’enseignent le malgache ? ». Puis, il faut régler le problème que pose la langue malgache. Il existe certes une langue malgache unique mais il ne faut pas se voiler la face sur l’existence de toutes sortes de parlés autres que le malgache officiel. Toutes les ethnies de Madagascar ont chacune leurs propres parlés les uns différents des autres. Il faudrait donc qu’il y ait dans chaque région de l’île des manuels scolaires et surtout des enseignants qui connaissent le parlé de celle-ci. Si cela se fait, on pourra parler de langue maternelle. Je crois aussi que la malgachisation n’est qu’un moyen de combattre le français (la langue française). Cela vise l’élimination peu à peu du français, mais qu’on le veuille ou non, la langue française est notre langue de communication avec l’étranger et le fait de négliger celle-ci renfermerait encore plus le pays face à la mondialisation » .
• Quelles sont alors vos craintes pour l’avenir ?
– Je crains que la conséquence de la malgachisation du milieu des années 70 se répète, entraînant un enseignement à deux vitesses. Cela sous-entend un enseignement pour la couche populaire malgache et une autre pour une minorité de privilégiés. Par conséquent cela ne fera que diminuer le niveau linguistique des Malgaches, qui en fin de compte ne maitrisera ni le français ni sa langue maternelle. D’ailleurs on constate aujourd’hui que la langue malgache se « créolise ». c’est-à-dire une langue métissée ».
Propos recueillis par R. Navalona et R. A. Andosoa